En juin 2021, l’agence gouvernementale américaine chargée de la réglementation des médicaments, la Food & Drug Administration (FDA), a décidé d’approuver la commercialisation de l’aducanumab, un médicament qui, selon les données fournies par la société, a un effet modificateur possible sur la progression de la maladie d’Alzheimer.
Cette nouvelle a suscité l’enthousiasme, mais aussi une certaine controverse. En décembre de cette année, l’Agence européenne des médicaments (EMA) a rejeté l’autorisation de commercialiser le médicament en Europe.
Dans cet article, nous expliquons le développement de ce médicament et les raisons pour lesquelles cette information, bien qu’encourageante, doit être reçue avec prudence.
Médicaments pour la maladie d’Alzheimer
Il existe actuellement plus de 130 médicaments contre la maladie d’Alzheimer en cours d’essais cliniques. Nombre d’entre eux agissent en éliminant ou en réduisant la production de bêta-amyloïde, une protéine qui s’accumule dans le cerveau des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer et finit par provoquer la mort des neurones.
L’un de ces médicaments est l’aducanumab, développé par la société pharmaceutique Biogen, qui, selon les données connues à ce jour, pourrait ralentir l’évolution de la maladie chez les personnes souffrant de troubles cognitifs légers, ou de démence légère due à la maladie d’Alzheimer.
Si l’efficacité de l’aducanumab est confirmée (pour laquelle la FDA a demandé un nouvel essai clinique), il s’agirait d’une évolution importante dans le traitement de la maladie d’Alzheimer, en ce sens que nous pourrions passer de médicaments qui ne traitent que les symptômes à des médicaments capables de modifier l’évolution de la maladie.
L’efficacité de l’aducanumab
En 2016, les résultats encourageants d’un essai clinique de phase 1b ont été publiés dans la revue Nature, montrant que l’aducanumab était efficace à la fois pour réduire la charge en protéines amyloïdes dans le cerveau et pour générer un bénéfice clinique associé.
Mais en mars 2019, Biogen et Eisai, une autre société pharmaceutique impliquée dans le développement de l’aducanumab, ont annoncé de manière inattendue la fermeture de deux essais cliniques de phase III en cours sur le médicament à l’époque, après qu’un comité indépendant a conclu que le médicament avait peu de chances d’être efficace.
Quelques mois plus tard, cependant, Biogen a annoncé qu’elle avait déposé une demande d’autorisation de mise sur le marché de l’aducanumab auprès de la Food & Drug Administration (FDA) américaine. Les données analysées jusqu’en mars 2019 ont forcé l’annulation des essais en cours, mais l’analyse des résultats s’est poursuivie. Ainsi, dans une étude ultérieure, les patients qui avaient pris une dose élevée du médicament ont effectivement montré des améliorations cognitives.
La décision de la FDA
En juin 2021, la FDA, suivant une procédure accélérée utilisée dans certaines occasions, a approuvé la commercialisation de l’aducanumab, sous le nom commercial Aduhelm. Cependant, le comité d’experts consulté par la FDA s’est demandé si l’aducanumab pouvait réellement ralentir l’évolution de la maladie, et a donc demandé des études cliniques supplémentaires, soumettant le maintien de l’autorisation du médicament à un nouvel essai clinique dont la réalisation prendra plusieurs années.
La décision de l’EMA
Pour qu’un nouveau médicament puisse être commercialisé en Europe, il doit être évalué et approuvé par l’Agence européenne des médicaments (EMA). Le 17 décembre 2021, l’EMA a annoncé sa décision de refuser l’autorisation de mise sur le marché en Europe du médicament aducanumab comme traitement de la maladie d’Alzheimer. La décision de l’EMA est basée sur les résultats des essais cliniques de phase III dans lesquels le médicament a été testé. Selon l’EMA, les résultats de ces études « ne démontrent pas que l’aducanumab est efficace pour le traitement des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer à un stade précoce ».
L’agence considère que, bien qu’il réduise la présence d’amyloïde dans le cerveau, les recherches actuelles ne font pas le lien avec une amélioration clinique chez les patients. Elle fait également valoir qu’il n’existe pas de preuves claires que les avantages potentiels du médicament l’emportent sur les risques potentiels.
En réponse à ce rejet, Biogen a demandé une révision de la décision de l’EMA. Aujourd’hui, en avril 2022, la société pharmaceutique a annoncé qu’elle retirait sa demande de commercialisation du produit en Europe parce que le Comité des médicaments à usage humain (CHMP) de l’EMA lui a notifié que les données fournies jusqu’à présent n’étaient pas suffisantes pour soutenir son approbation.
Quelques semaines plus tard, dans une déclaration à ses investisseurs, Biogen a annoncé sa décision de démanteler la structure commerciale créée pour soutenir Aduhelm et qu’elle ne maintiendra la production du médicament que pour poursuivre la recherche en cours et les soins aux quelques patients en traitement.
Autres informations clées sur l’aducanumab
Actuellement et dans notre contexte, il n’existe que quatre médicaments disponibles spécifiquement pour la maladie d’Alzheimer (donépézil, rivastigmine, galantamine et mémantine) et ils ne servent qu’à pallier les symptômes, sans avoir d’effet modificateur sur l’évolution de la maladie.
Il est important de noter que l’aducanumab n’est actuellement autorisé qu’aux États-Unis, mais dans tous les cas, cela réaffirme la nécessité de poursuivre les recherches pour améliorer la détection de la maladie dans sa phase préclinique en développant des stratégies plus nombreuses et plus efficaces pour un diagnostic précoce et précis.
Avec le débat sur le médicament aducanumab, l’importance de l’utilisation des biomarqueurs, un domaine dans lequel le centre de recherche de la Fondation Pasqual Maragall, le BBRC, est spécialisé, est particulièrement mise en évidence. Lorsqu’un médicament capable de modifier la progression de la maladie sera disponible sur le marché, le diagnostic précoce de la maladie d’Alzheimer sera très important pour avoir plus de marge de manœuvre pour ralentir sa progression.